FERNAND JUNQUA-LAMARQUE, MAIRE DE CAPBRETON pendant 22 ans,

de 1913 à 1935.                                                                 Anne-Marie Bellenguez


 

 

Fernand Junqua-Lamarque est élu maire de Capbreton le 21 janvier 1913.

Originaire d'Aspet, dans les Pyrénées, docteur en médecine depuis 12 ans, il a fait ses études à Paris et est devenu médecin au Sanatorium de Capbreton. Fernand Junqua-Lamarque habite, avec son épouse Marie Lavaurs, une maison proche de ce ?Prévent?, la villa ?Clara?, sur le chemin N°7, dit chemin de l'hospice, actuelle rue de Lattre de Tassigny, (maison qui fut rasée dans les années 20). 

 

 

 

 

 

De haute stature, solide et convaincant, il est représentatif et déjà bien connu sur la scène politique. En effet, en 1910 il s'est présenté contre Alfred de Gorostarzu, maire de Saint-Vincent-de-Tyrosse, au poste de Conseiller général.

A Capbreton, il a été conseiller de la municipalité de Jean Larrat puis adjoint du maire d'André Delest. Après bien des difficultés dans ce dernier conseil, il a été à l'origine de la démission du maire en déclarant qu'il arrêtait sa collaboration, après une séance houleuse.

 

 

 
Docteur Junqua accoucheur. Archives des « Amis du Lac » à Hossegor.

 

 

Une des premières préoccupations de sa municipalité sera l'assainissement du bourg, c'est à dire la construction d'un abattoir entre la route de Labenne et le canal, (à 1.500mètres du bourg), et le projet d'une alimentation de la commune en eau potable, et la construction d'égouts.
On reprend également les projets de la municipalité précédente visant à l'amélioration du port par le prolongement des deux digues Nord et Sud. Le docteur Junqua est enthousiaste et convainquant.
Mais tout ceci se trouve brutalement ajourné à une date indéterminée. En effet, sous le ciel serein du 3 Août 1914, le docteur Junqua réunit en urgence son conseil et annonce que «l'heure est grave, la Patrie

est en danger ». La guerre vient d'éclater, les cloches de Saint-Nicolas vont sonner le tocsin et c'est la mobilisation générale.
On décide immédiatement de voter une somme importante « pour aider à combler le vide matériel qu'a fait, dans bien des familles le départ de leur chef », (même si ceux-ci sont partis avec « la fleur au fusil » et la certitude de revenir bientôt), et pour « mettre en ?uvre toutes les mesures qui pourront permettre de soulager le plus grand nombre d'infortunes », aide aux familles, garderie des enfants ?
Cela ira de la femme chargée d'une nombreuse famille à celle qui, faute de clients, ne pourra plus donner les leçons de piano qui étaient son seul moyen d'existence, des secours aux malades et aux indigents ...
Deux personnes anonymes apportent dans la caisse municipale 600 francs pour ceux dont la situation est précaire.
Une garderie d'enfants est organisée pour permettre aux mères de famille de reprendre le travail à la place de leurs époux. On en appelle également au civisme de chaque ménagère pour tricoter chaussettes, gants, couvertures « pour le bien-être de nos chers soldats », et qui feront partie des paquets type préconisés par le ministère de la guerre.
Mais le conseil s'émeut de constater, comme trop souvent, hélas, en période critique, qu'il est nécessaire de rappeler à l'ordre certains commerçants. La tentation de profiter de la situation pour majorer les prix des denrées doit être enrayée. Une délégation de vérification est créée ?pour empêcher la spéculation et rappeler aux devoirs ceux qui mettraient leurs intérêts personnels et l'amour du lucre au dessus du patriotisme."
Les Belges, eux aussi fuient les bottes allemandes, et 15 d'entre eux se réfugient à Capbreton et seront logés chez l'habitant. Une quête est faite dans la commune en faveur de ces expatriés.

                                                     

Un peu plus tard, ce sont des réfugiés français qui fuient les régions envahies et seront dirigés vers Capbreton. Puis des blessés sont rapatriés et il faut établir des ambulances pour leur traitement au Préventorium, ou à l'hôpital complémentaire de la grand'rue ou à celui du fronton?

 

 Hôpital complémentaire 20 en 1917 ("Prévent") 

et fête de bienfaisance à l'hôpital du fronton en 1917.

Collection A.M.Bellenguez

En 1916, c'est, Monsieur le Maire qui, à son tour se trouve appelé à défendre la France ainsi que ses conseillers Delest et Vignes, et tous trois partent sous les drapeaux. Junqua ne reviendra à Capbreton qu'en mars 1917. Il aura été remplacé par son adjoint Justin Thévenin, lequel, souvent malade, confie à M.Berhouague, conseiller municipal le soin de présider les séances.
A son retour le docteur Junqua aura à faire face à de nombreuses et sérieuses difficultés, mais fera preuve de beaucoup d'efficacité et de dévouement dans ses diverses taches.
56 familles seront visitées, qui pleurent un mort tombé au Champ d'Honneur. C'est le 2 octobre 1921 seulement que l'on érigera à leur mémoire, sous l'égide de M. Bourienne, préfet des Landes, un monument commémoratif, et cela ne s'est pas fait sans difficulté.

 

Collection Jean Lartigue.

 

Le monument resta quelque temps sans ornement. En effet, le projet primitivement choisi représentait un coq tenant l'aigle mais son exécution délicate devait amener une dépense de 15.000 francs. Le « poilu vainqueur dans les plis du drapeau » que nous connaissons ne coûtera que 3.500 frs. Il est signé du sculpteur parisien Charles-Henri Pourquet . « les poilus » étaient sa spécialité. C'est Monseigneur Mathieu qui, en ami de Junqua dont il était compagnon d'armes, est venu inaugurer la monument. Junqua le reçut comme président des anciens combattants. 

  Rang du fond de gauche à droite : Andre Delest, (dont le fils sera déporté), Lagardère, François Costabadie, Arrocena, Emile Gassian, Paul Lestage, Elie Despouys (futur maire).

Premier rang : Dr Dulau, Adolphe Feuillade, le docteur Junqua-Lamarque au centre de la photo, François Lahary, Tabourin.                                            Collection A.M.Bellenguez .

En 1919 il va assister à l'enterrement de Monseigneur Soulé, grand-oncle de sa femme avec lequel il entretenait de très bonnes relations. La semaine religieuse d'Aire et de Dax relate avec force détails la cérémonie qui nous fait revivre des rites oubliés où la procession mortuaire se faisait à pied à travers le village :
« Trois draps mortuaires étaient portés, le premier par les notables de Capbreton le Docteur
Fernand Junqua-Lamarque, (par ailleurs apparenté par sa femme à Mgr. Soulé), Justin Thévenin... », etc.
En octobre 1921, les Entreprises Maritimes Basques, dont le siège est à Socoa près de Ciboure, déposent une demande d'installation d'une fabrique de Conserves comportant la cuisson à l'huile. Sous réserves des règles d'hygiène et de sécurité « pour prévenir les dangers et les incommodités qui peuvent en résulter pour la santé publique », l'accord de principe est donné. C'est la création de la Sardinerie, sur la plaine du Bouret.
Capbreton change et bien des travaux d'urbanisme sont effectués : quai-promenade à la plage, place publique aménagée près de l'estacade, construction d'un établissement de bains? Alors on peut écrire au Préfet des Landes pour lui demander d'officialiser la reconnaissance de la commune en station climatique balnéaire.
Notons que tout ceci sera bien mis à mal en 1924 par ce que nos archives appellent un "raz de marée?, (en fait quelques très méchantes déferlantes), et il faudra, en toute urgence, consolider à nouveau les abords du front de mer.
Sur l'emplacement du lavoir du pont Lajus, on crée un édicule de lavabos municipaux. Le toit du lavoir est remplacé par une plate-forme de ciment, bordée de garde-corps.
Puis c'est la création d'un terrain de sports et la construction de petites écoles. En attendant, les enfants des cours élémentaires sont ressemblés pour leurs cours à la mairie, dans la salle du conseil municipal.

Le pont de bois de la Halle est remplacé par un pont en ciment armé,
et la grand'rue Libet, actuelle rue Charles de Gaulle, est, (déjà), mise en sens unique.
Collection Jean Lartigue


Le 25.04.1920 est créé un "Syndicat d'Initiative de Capbreton sur Mer et Soorts-Hossegor? car la vie touristique a repris.

Le docteur Junqua est en liaison avec Maxime Leroy et le rassure sur le devenir des berges du canal d'Hossegor qui doivent conserver leur pittoresque. (Cf lettre ci-jointe).

Lors d'un déjeuner des « amitiés landaises », en 1931, Junqua parlera de Capbreton et d'Hossegor comme de deux s?urs, toutes deux tributaires des mêmes impératifs liés au tourisme. Le développement de Capbreton a toujours été un sujet primordial pour le docteur Junqua. Préoccupation que l'on retrouve dans le numéro spécial de 1930 de « l'Orientation Economique » sous le titre « Capbreton sur Mer ».


Les colonies de vacances commencent à fleurir. Une des plus marquantes sera le hameau des Ecureuils, créé en 1922 par Saumade de Paoli : « une usine moderne où l'on forge de beaux gars à la santé robuste et au c?ur généreux ». Toujours actif, le docteur Junqua va « surveiller les enfants au point de vue hygiène et santé ».On a vu combien Capbreton a pu compter sur cet homme efficace, médecin dévoué et d'un grand humanisme.

Il est permis maintenant de se poser quelques questions quant aux goûts artistiques du docteur Junqua, par ailleurs félibrige et membre de "l'Escola Gaston Fèbus". 
On se doit de noter que, lorsqu'on demande au Conseil municipal d'établir la liste des objets d'art de la Commune pour leur protection et leur conservation, celui-ci rejette le classement sur la liste des monuments historiques de notre superbe vierge du XVème siècle : "L'objet mobilier Piéta, groupe de bois conservé à l'abri du canot de sauvetage, ne parait pas avoir un intérêt historique ou une valeur artistique suffisamment démontrés". Heureusement, le Ministre de l'Intérieur, averti de cette regrettable opinion, se pourvoit au Conseil d'état. Alors seulement le Conseil municipal est revenu sur son vote, ce qui nous a permis de conserver cette superbe oeuvre d'art maintenant heureusement bien mise en valeur.
Lorsque le sculpteur Paul Aubé, (frère d'Emile Aubé dont une rue porte le nom), propose, en 1913, d'embellir sa ville d'adoption et d'offrir à la municipalité un buste en bronze d'une « Landaise à la cruche ». Cette statue est destinée, dit-il à «perpétuer une coutume charmante tendant de plus en plus à disparaître, et devait constituer un très artistique motif de décoration du terre-plein situé à l'ouest du clocher». Il demande seulement à la municipalité la prise en charge des frais nécessités par le coulage du bronze et le socle qui l'aurait supporté? Ce sera pour l'artiste une forte déception de voir décliner son offre dans les termes suivants :
"Vu le peu d'élasticité actuelle du budget communal, vu l'urgence des travaux du port, le Conseil se trouve à regret dans la nécessité de refuser cette offre et charge M. le Maire de vouloir être l'interprète de ses bien sincères regrets et de vouloir le remercier vivement de ses généreuses bontés."
Il semble que cette municipalité tient à jouer le modernisme. Non content d'avoir abattu les platanes de la place de la Mairie, le Conseil décide d'araser la plus ancienne (et sans doute la plus solide) bâtisse de Capbreton. Il s'agit des vestiges d'une Commanderie dite des Templiers, ayant appartenu à l'Ordre de Malte, puis aux chevaliers de Saint-Jean de Rhodes.
Ce témoignage d'un haut lieu historique disparu à jamais, a été détruit en avril 1920, en l'absence de l'oeil vigilant d'un historien.
Les gravas enfouirent les témoignages, les inévitables graffitis, des souterrains, dit-on, et toute les richesses du passé historique que contenait ce bâtiment...

 

Pourtant le docteur Junqua fréquentait George Bonnamour (sans "s" à George et avec deux "n" à Bonnamour), journaliste, homme de lettres et peintre occasionnel. Ce dernier lui offrit d'ailleurs un tableau de roses de sa composition. 

Ci-contre : "juillet 1924  au docteur F.Junqua, souvenir amical". George Bonnamour.

Rappelons pour la petite histoire que G.Bonnamour s'initia à la peinture auprès Gaston Gélibert.

 

 


 

 

 

 

Ce dernier exécuta le portrait du docteur Junqua en pied, dans la salle d'honneur de l'hôtel de ville.

Collection Jean-Pierre Junqua Lamarque.
Le Dr. Junqua peint par Gaston Gélibert.

 

 Junqua fréquentait aussi le célèbre romancier espagnol Don Armando Palacio Valdès. Ce dernier a fait de Capbreton pendant plus de 20 ans sa terre d'élection. Il en avait fait la découverte grâce à Mathias Morhardt à la Chaumière, puis il s'installa tout près de là dans la villa qui portait le nom de son best-seller « Marthe et Marie ».


Le docteur Junqua a d'ailleurs voulu honorer Palacio Valdès à l'occasion de son 80ème anniversaire et, le 17 août 1930, celui-ci a été reçu à la mairie pour une fête organisée avec l'aide de G. Bonnamour et où la population était conviée. Un banquet suivit qui se déroula dans le parc de la Chaumière.

 
Et comme tout finit par des chansons, lorsque, en 1933, Capbreton fête le centenaire de Mme Loube, « Mémé Loube », Junqua, d'un caractère communicatif, est heureux d'entonner, avec la chorale dont il fait partie, « le temps des cerises ».

Deux ans plus tard, le 29 Août 1935, le docteur Fernand Junqua-Lamarque fera part de sa décision d'abandonner la direction de la commune, suivi par ses deux adjoints Jean Lapeyre et Pierre Dessis.
Il continue cependant son action altruiste et fonde en 1936 une « Société Mutualiste Chirurgicale de Capbreton et environs ».

 

Tombe du Docteur Junqua au cimetière de Capbreton. Photo J.Lartigue

 

 


En hommage à sa mémoire et aux 22 années de service à la communauté, on a baptisé une rue de son nom : « Boulevard du docteur Junqua ».

Anne-Marie Bellenguez

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Nous connaissons les prix de visite du Docteur JUNQUA en 1906,pour la Caisse de Prévoyance de la Marine, en réponse au courrier suivant :
Je prie Monsieur je Syndic de s'informer auprès des docteurs médecins de Capbreton, des conditions qu'ils consentiraient à la Marine pour la visite éventuelle des inscrits blessés ou malades qui auraient à faire valoir des droits pour l'obtention des allocations accordées par la Caisse de Prévoyance.
Savoir :  1°) Prix de la visite à domicile du malade.
 2°) Prix de la visite chez le médecin.
 3°) Prix de la visite pour le cas où le médecin aurait à se déplacer dans les envIrons.
A la suite de chaque visite, le médecin devra délivrer un certificat sur papier libre indiquant le diagnostic de la maladie ou de la blessure; ses symptômes, sa cause probable, et s'il y a lieu, les circonstances du décès.
Le médecin n'aura donc pas à instituer un traitement, mais à constater purement et simplement l'état de l'intéressé, et à délivrer ensuite, sur papier libre, pour la Marine un certificat contenant les renseignements d'autre part.
Comme les dépenses de cette nature devront être supportées par la Caisse de Prévoyance des marins, il y aura lieu de s'efforcer d'obtenir les conditions les moins onéreuses possibles.
Je prie en conséquence Mr Dupuy de se mettre, au reçu de la présente, en rapport avec les Drs médecins de Capbreton, à qui il pourra communiquer la dite note, et de m'adresser d'urgence, avec leur nom, les conditions que chacun d'eux ferait à la Marine pour les visites dont il s'agit.
Bayonne le 12 juin 1906. L'Administrateur de l'Inscription Maritime. Signé BLIN
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Réponse : Le Dr JUNQUA à Cap-Breton consentirait les prix de visite suivants :
- A domicile 2 f. - Chez le médecin If. - Prix de la visite avec déplacement 2 f + 25 centimes du kilomètre parcouru à l'aller.
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BIBLIOGRAPHIE :

- Capbreton autrefois. Jean Lartigue
- Etude sur les frères Aubé (Anne-Marie Bellenguez)
- Archives municipales de Capbreton.
- Archives départementales des Landes.
- Archives de l'auteur.
- Archives Jean Lartigue
- Petit complément généalogique :

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